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    Un surdoué est une personne mue par un intérêt dévorant pour tout ce qui est et qui consacre à l'approfondissement de ses connaissances tout ce qu'il peut lui consacrer. Il fait penser à quelqu'un qui aurait pris de la kétamine: il a en lui un tel goût d'un paradis perdu, accompagné d'une foule d'intuitions, qu'il ne peut s'empêcher de le chercher partout et en tout.

    C'est un travailleur forcené qui continue son "travail" même lors de repos apparents. En réalité il est toujours sur la piste de son sujet, il glane de partout et de manière interdisciplinaire tout ce qui peut contribuer à confirmer son intuition. Le repos le fatigue, la futilité le désespère et le bruit des foules l'effraie. Il a trop à faire pour penser à se distraire, et d'ailleurs, tout ce qui le distrait est son ennemi. IL NE SAIT PAS ÊTRE SUPERFICIEL et c'est là l'un des piliers de sa solitude.

    Par rapport au temps qui passe, c'est comme une fuite en avant: perdre une seule seconde hors de son laboratoire - ce dernier pouvant être tout simplement son esprit - lui semble une perte irrémédiable. Pendant que les gens discourent autour de lui, il les voit sans les regarder et devine les petits jeux de prédation/séduction auxquels ils se livrent sans même s'en apercevoir et tout cela lui donne un désagréable sentiment de réchauffé et de déjà vu. Il ne parvient pas à comprendre ce qu'il peut y avoir de distrayant dans ces jeux sociaux.

     

    Alors il s'éloigne pour reprendre le cours de ses pensées, bien qu'il soit spontanément bienveillant. Ces contacts sociaux le harassent. Il s'y sent comme un poisson hors de l'eau. Il essaie parfois d'entraîner la discussion vers ce qui l'intéresse, mais autour de lui les gens baillent et se regardent d'un air gèné et parfois même se moquent "poliment" comme savent le faire les hypocrites. Il tourne donc les talons en se disant que décidément les gens n'aiment rien, que quelque découverte qu'il pourrait faire, de toute façon, nul n'en n'aura cure, nul en fait ne saura partager son ÉMERVEILLEMENT. C'est une autre des raisons de sa solitude.

     

    Il sait depuis longtemps que le monde intérieur, subjectif est aussi vaste, sinon plus que celui, extérieur, des phénomènes et qu'il est son monde; c'est là qu'il plonge dans la solitude de la méditation, de la réflexion. Il fait des rapprochements, des recoupements, des associations incessantes entre les divers thèmes qui attisent sa curiosité et il se relève la nuit pour noter une pensée "éclairante" qui lui est venue et qui lui semble une perle. (Ce n'est pas d'en être l'auteur d'ailleurs qui compte à ses yeux, il se perçoit plutôt comme son récipiendaire). Une perle ? Ce peut être un brimborion, une toute petite chosette de pensée, mais dans laquelle il discerne une foultitude de développements à venir, un immense potentiel. Il est le SEUL dans ce cas. N'importe qui d'autre ne verrait là que banalité.

     

    Il parsème son chemin de notes qu'il médite, affine, polit sans cesse et toute son énergie est concentrée sur ce grand-œuvre secret, que lui seul connait, et qui est au fond simplement de réussir à être. Pour lui, aux yeux de qui tout est si subtil, fragile, mystérieux, lourd de révélations potentielles, complexe, intriqué et surtout grave, être est la difficulté première. Il a compris depuis longtemps qu'il ne peut être lui-même que loin du regard des autres, alors il peut faire les cent pas, parler tout seul, pleurer, rire parfois d'une pensée saisie à la volée, sans frein, loin du jugement des personnes que leurrent les apparences, loin des carcans de leurs normes étouffantes dont aucun n'est à sa taille...

    Et il n'en n'est toujours qu'au prologue de son œuvre car il faut que ce soit parfait.

     


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    Un surdoué n'est jamais libre.

    Un esprit critique a pris demeure en lui et filtre tout, y compris ce qui le concerne.

    Il ne connait pas la joie de l'abandon.

    La caméra de cet esprit critique est sur lui sans arrêt.


  • Un jour j'ai décidé d'apprendre à boire. Je contrôle les choses.

    Un homme seul est un homme en danger disent les chrétiens.

    Mais est-on seul avec une bouteille ?

    Comment savoir ?

    Simplement j'espace les prises.

    Mais quand l'heure est venue, je sais m'assoir et ouvrir des bouteilles.

    Ce sont mes seules vacances (être vacant).

    Avec qui communiquer ? Avec un homme raisonnablement ivre.

    Lui seul peut saisir les allusions discrètes - qui n'en sont pas pour moi -

    Je m'assieds dans l'ivresse, et mes sens me faisant un peu défaut,

    je peux me régaler d'un morceau de musique sans avoir recours à l'analyse méticuleuse

    qui tue tout charme.

     

     

    Dans le fameux livre de Cécile Bost "Différence et souffrance de l'adulte surdoué"

    il y a un intervenant qui dit "Tout dépend de mon degré d'alcoolémie".

    Oui, beaucoup en dépend.

     

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